mardi 28 septembre 2010

Le Quai De Ouistreham




Bien sur, quand j'entends le nom de Florence Aubenas, je pense à une image bien précise : celle d'une femme arrivant sur un tarmac, digne, calme, et même souriante. Je me rappelle que j'étais émue devant ma télé, car elle n'était plus dématérialisée. C'était elle, plus seulement un nom accompagné d'un message sur ses jours de séquestration. Florence Aubenas, ça sonne bien en plus, c'est joli, c'est son identité.
Et c'est sous cette identité, elle dont le visage a été plus que diffusé, que Florence Aubenas a cherché du travail. Devenue blonde, cachant son regard sans doute curieux derrière des lunettes, elle s'est infiltrée dans la France du bas comme l'appelle certains.
Se faisant passer pour une femme sans diplôme et sans expérience, la journaliste a investi une chambre de bonne et s'est inscrite à Pôle Emploi. D'abord parce que c'était la crise, celle dont tout le monde parlait quotidiennement.
Au fil des pages, on partage la galère quotidienne d'une femme qui se retrouve ballotée d'un petit boulot à un autre, devant enchainer des heures de ménage sans répit, alternées de rencontres et de passages au Pôle Emploi.
Bien sur, on devine que l'auteur est parfois surprise de certaines réflexions, s'émerveillant d'un simple rayon de soleil, elle s'entend répondre « je serais mieux devant Attention à la marche ! »
Dans son infiltration, Florence fait de belles rencontres, certaines sont désenchantées, d'autres amicales et solidaires... il y a aussi les différents lieux de travail, chacun soumis à des contraintes différentes et avec des collègues et chefs tout aussi dissemblables.
Le constat de Florence Aubenas est simple, et surtout sans que l'on sente de condescendance de sa part. Elle ne prend pas ses collègues pour des sujets de son livre, elle s'intéresse à chacun, conseille même parfois, mais se retrouve souvent confrontée au désenchantement et à la désillusion de personnes travaillant parce qu'il faut gagner sa vie. Il est parfois dur de lire l'histoire de ces gens, pourtant jeunes, qui ne voient aucune autre issue que des petits boulots.
Pour ma part, j'ai littéralement dévoré ce livre, je l'ai pris comme un témoignage nécessaire d'une époque. J'ai aimé la façon dont Florence Aubenas nous décrit son expérience, on sent qu'elle s'est impliquée, qu'elle a vraiment voulu ne rien s'épargner. On se laisse prendre par le récit d'une femme dont on ne voit plus le côté journaliste, mais dont on partage les galères et les petites joies. Et au final, on ne peut que se demander comment des femmes et des hommes trouvent tous les jours le courage et la force de vivre sur le fil. La réponse est simple et horrible : ils n'ont pas le choix, ou ne se permettent même pas de l'avoir...