samedi 7 mai 2011

Entretien avec Deborah Harkness



Deborah Harkness est un écrivain américain, historienne et enseignante à l'Université de Californie du Sud. Son premier roman « Le livre perdu des sortilèges » vient de paraître aux éditions Orbit.

En voici le synopsis : Diana Bishop est la dernière d'une longue lignée de sorcières, mais elle a renoncé depuis longtemps à son héritage familial pour privilégier ses recherches universitaires, une vie simple et ordinaire. Jusqu'au jour où elle emprunte un manuscrit alchimique : l'Ashmole 782. Elle ignore alors qu'elle vient de réveiller un ancien et terrible secret, et que tous – démons, sorcières et vampires – le convoitent ardemment. Parmi eux, Matthew Clairmont, un vampire aussi redoutable qu'énigmatique. Un tueur, lui a-t-on dit. Diana se retrouve très vite au coeur de la tourmente, entre un manuscrit maudit et un amour impossible.

Dans le cadre de la sortie de ce livre (que je n'ai pas encore lu), j'ai pu assister à une rencontre avec Deborah Harkness à la Sorbonne. Ce fut très intéressant (j'essaie d'écrire un conte de fées, le processus d'écriture m'intéresse beaucoup), j'ai donc tenté de prendre des notes pour vous retranscrire ce qui m'a le plus interpellé dans cet entretien.


Tout d'abord, Deborah Harkness nous a précisé que l'Ashmole 782 est un manuscrit alchimique qui existe réellement, il est référencé à la bibliothèque bodléienne de l'université d'Oxford. Cependant, il a été perdu, et nul ne sait ce qu'il contenait. Elle a donc imaginé ce qui pouvait être écrit dans ce manuscrit.

L'idée d'écrire « Le livre perdu des sortilèges » lui est venue alors qu'elle se trouvait dans un aéroport au Mexique pour les 70 ans de sa mère. Elle a vu les livres de Twilight qui envahissaient les rayons et elle s'est demandée pourquoi les vampires nous intéressent autant. Ensuite, elle a écrit pendant des semaines sans s'arrêter, et c'est là qu'elle a vraiment réalisé qu'elle écrivait un roman !

Pour DH, malgré le fait que la science progresse tous les jours, les hommes ont besoin de croire en quelque chose de moins concret, « We want to believe » (ça me rappelle Mulder dans X-Files). Ce qui explique en partie notre intérêt pour le surnaturel, les sorcières, les vampires...

Au XVIème siècle, les gens soupçonnaient fréquemment leurs voisins de sorcellerie et elle a trouvé intéressant de se demander ce qui se passerait si c'était le cas aujourd'hui.

Concernant les personnages, elle a créé en premier celui de Diana Bishop (qui lui ressemble beaucoup). Ensuite, elle a créé Matthew, pour elle, il était indispensable qu'il soit français, elle voulait également qu'il soit très vieux (il a 1500 ans, Lestat, le vampire d'Anne Rice n'en avait « que » 200). Un élément essentiel du roman est qu'il mélange science et magie, et surtout elle voulait que ce livre « réconcilie » la science et la magie au lieu de les opposer comme c'est souvent le cas.

En ce qui concerne l'histoire d'amour, pour l'auteur, c'est une métaphore de l'alchimie, l'histoire explique comment le monde s'est créé.

DH nous a expliqué qu'elle a passé énormément de temps à la bibliothèque d'Oxford, à écouter le parquet craquer, à regarder les gargouille qui surveillent les passants... et pour elle s'il y a un endroit où des vampires peuvent se trouver, c'est là ! Le livre est d'ailleurs un ode à des lieux comme celui-ci et aux vieux livres poussiéreux, aux manuscrits...

Suite à une question sur une possible adaptation au cinéma, DH dit ne pas être prête à laisser son livre à Hollywood sans être consultée. En effet, elle tient énormément à ce que les lieux de tournage correspondent à l'histoire, elle ne veut pas que ce qui se passe en France soit tourné ailleurs.

Lorsqu'on lui demande si Matthew ressemble à son homme idéal, elle répond catégoriquement que ce n'est pas du tout le cas. Il est trop compliqué et il traine trop de bagages !

A une question sur le choix des créatures figurant dans le livre DH répond qu'elle a d'abord choisi celles dont le sang pourrait être analysé (la génétique tient une place importante dans le livre), elle n'a pas inclus de loup-garou car ceux-ci ne l'inspiraient absolument pas.

Les démons du livre s'inspirent des « daemons » grecs qui étaient plus proches des génies et qui avaient plutôt un rôle de conseil.

Les sorcières sont à la base des guérisseuses, plutôt bénéfiques et dont le rôle était déterminant dans les villes.

Quelques petits chiffres sur le livre : 9 mois d'écriture, 3 mois pour trouver la maison d'édition, 6 mois pour le retravailler.

A la base, il faisait 400 pages de plus ! Et surtout il est vendu dans 34 pays, ce qui est assez exceptionnel.

DH étant également historienne, elle écrit régulièrement des essais, et lorsqu'on lui demande la différence entre écrire de la fiction ou de la non-fiction, elle répond ceci :

«Lorsque j'écris de la non-fiction, je fais des recherches quand je suis bloquée. Lorsque j'écris de la fiction, si je suis bloquée, il me suffit d'une chaise et d'un café, et c'est reparti ! »

D'ailleurs, pour écrire ce livre, elle avait l'avantage d'avoir beaucoup de donnée en tête grâce à son métier d'historienne.

Dès le début, elle savait qu'elle commençait une trilogie. Le dernier chapitre est écrit, il manque à présent le cheminement qui y mène... l'écriture de la suite est en cours et doit paraître en 2012.

Même si le livre rencontre un grand succès, elle ne compte pas arrêter d'enseigner car elle aime ce métier en partie parce qu'il lui permet de raconter des histoires, entre autre sur Henry VIII et ses nombreuses femmes.

Pour finir, j'ai retenu cette réflexion de l'auteur : «ce sont les humains qui créent les monstres, mais ceux-ci ont certainement plus de points communs avec eux qu'ils ne le pensent. »

Le livre perdu des sortilèges - Editions Orbit - 19,50 € - 517 pages